Jacques Bonsergent, Paris 1940, premier civil exécuté par l’occupant

bonsergent
Dimanche 10 novembre 1940, il est 21 heures, sept jeunes gens sorte de la gare Saint-Lazare :  X., qui s’était marié la veille, sa jeune femme, Jacques Bonsergent et son amie  Marcelle Dogimont, plus trois camarades.

Tous les garçons sont d’anciens élèves de  l’Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers d’ Angers (promotion 1930).

Les jeunes gens, fatigués mais heureux, marchent tranquillement sur le trottoir de la gare Saint-Lazare.

A la hauteur du café Mollard, ils croisent un sous-officier allemand ivre qui tente de prendre par la taille la jeune mariée. Son époux ulcéré vole au secours de sa femme et décoche un coup de poing au soldat qui chute à terre.

mollard

Jacques Bonsergent, conscient de la gravité de la situation, s’interpose, dit à ses amis de se disperser, aide l’allemand à se relever et reprend son chemin.

Place de la Trinité il est rattrapé, frappé et arrêté par deux soldats allemands. Ils  l’ont identifié par sa gabardine semblable à celle de son ami. Les allemands l’entraînent à l’hôtel du Terminus.

Marcelle Dogimont, l’amie de Jacques, ne peut qu’assister impuissante à la scène.

Jacques est ensuite transféré à la prison du Cherche-Midi.
prison-1

Pendant tous les interrogatoires il répète sans cesse qu’il n’a pas frappé le sous-officier allemand mais il refuse de désigner l’auteur de ce geste.

Le président du tribunal militaire allemand lui dit :<Nous savons que vous n’êtes pas coupable, donnez nous le nom de l’auteur du coup et vous serez libre>.

Jacques Bonsergent  reste inflexible.

Le 5 décembre il est condamné à mort.

Le général Otto Von Stülpnagel, commandant en chef des troupes de la Wehrmacht en France, refuse de signer sa  grâce.

Zentralbild II. Weltkrieg 1939-45 Der Oberbefehlshaber des Heeres, Generalfeldmarschall Walter von Brauchitsch trifft am 21.5.1941 auf dem Luftwege in Paris ein. Er wird von dem Militärbefehlshaber in Frankreich, General der Infanterie Otto von Stülpnagel, vom Flughafen abgeholt. UBz: die beiden im Kraftwagen auf der Fahrt in die Stadt. 54551-41

 

Le lundi 23 décembre il est fusillé au fort de Vincennes, il a 28 ans. 

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Selon l’abbé Stock, qui accompagna Jacques Bonsergent  jusqu’au poteau d’exécution, au commandant du peloton qui lui demandait une dernière fois :
Dites-nous un nom et j’ai l’ordre de vous de relâcher ” , Jacques Bonsergent répondit “ je ne dirai pas de nom, vous trouveriez moyen de mettre un visage dessus”.

Franz Stock prêtre catholique allemand. Son procès en béatification est ouvert par l’Eglise catholique en 2009.
Franz_Stock_portrait

Le 23 décembre 1940, les Parisiens pouvaient lire cette affiche :

23-12

Des fleurs sont déposées par les Parisiens sous ces affiches.

 

Lettre de Jacques Bonsergent à ses camarades des Arts et Métiers, le 22 décembre 1940 : 
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Dans le Xe arrondissement de Paris, une station de métro et une place portent son nom : Jacques Bonsergent, pour faire exemple, est le premier Français fusillé par l’occupant.

Plaques de rue de personnages illustre ou non

place

Le 10 février 1946 la station Lancry, ouverte depuis le 17 décembre 1906, prend le nom de Jacques Bonsergent.
lancry

En l’an 2000, le sculpteur André Monclus a réalisé un buste en bronze de Jacques Bonsergent, installé dans le hall de la mairie de Malestroit.

Une copie de ce buste orne également la « salle Jacques Bonsergent » au siège de la Société des ingénieurs Arts et Métiers à Paris.

Buste_de_Jacques_Bonsergent.

32 réflexions sur « Jacques Bonsergent, Paris 1940, premier civil exécuté par l’occupant »

  1. Bonjour Gérard,

    Votre article m’a, comme les précédents, captivée. Ils ont ce petit supplément d’âme qui manque à beaucoup d’écrits. Il y a de l’émotion dans vos paroles même si vous relatez les faits avec une grande précision. Je ne vous sens jamais « détaché » et c’est cela qui façonne un talent de conteur.
    Pendant près de six ans mon mari a travaillé à République, rue Yves Toudic, je l’accompagnais le matin avant de rejoindre la BNF pour effectuer mes recherches de doctorat et nous descendions à la station Jacques Bonsergent. Il y avait moins de monde qu’à République et le trajet est agréable. J’éprouvais toujours quelque chose d’un peu triste à cet endroit, comme si attachés au nom de cet infortuné jeune homme flottaient des réminiscences de la douleur éprouvée à l’époque.
    Son histoire est à la fois magnifique (par la force de caractère, l’intégrité, l’amitié dont il a fait preuve) et tellement révoltante… Fauché en pleine jeunesse de cette manière…
    Bravo pour vos recherches et un grand merci pour les messages que vous m’avez envoyés. Ils m’ont beaucoup touchée.
    Grosses bises et une excellente journée ainsi qu’à votre épouse
    Cendrine

  2. bonjour Cendrine,

    votre commentaire me touche particulièrement. J’essaie de restituer par l’écrit l’empathie réelle que je ressens pour les personnages que j’ai choisi de traiter; vous me dîtes que j’y parviens, c’est vraiment le meilleur compliment que l’on puisse me faire.
    J’ai beaucoup aimé vos souvenirs sur vos passages à la station Jacques Bonsergent. Il m’arrive fréquemment, en me promenant dans Paris, de ressentir le même type d’impression.

    je vous souhaite une très bonne journée

    bises

    gérard

  3. bonjour,
    Je viens de voir totalement par hasard un documentaire sur cette période de la guerre, je ne savais pas que Jacques Bonsergent était de ces héros qui ont donné leur vie pour en sauver d’autres… Que l’on puisse mettre un visage sur ce ce nom me bouleverse encore plus; à 28 ans, cette force de caractère, toute la détermination guidée par des convictions de liberté sont des qualités humaines inestimables !
    Merci pour lui, merci pour sa mémoire.
    Je ne manquerai pas de faire un passage station Jacques Bonsergent lors de ma prochaine visite à Paris.
    Cordialement
    Philippe

  4. Ping : Je ne te crois pas, mon cher narrateur (Le Strapontin, n. 28) | le portrait inconscient

  5. Bonsoir,
    Je découvre votre blog…. je suis émerveillée !
    Pauvre Jacques Bonsergent… le savez-vous, il avait été filmé par hasard, sur les Champs Elysée lorsque les vert-de-gris ont défilé.. près de l’Arc de Triomphe. Ce malheureux homme pleurait…

    « l’inconnu des Champs Elysée « … c’était lui…

    Merci
    Dona

    • Je suis né dans le même village du Morbihan que Jacques Bonsergent. Il fait notre fierté comme celles et ceux nombreux qui n’ont pas sacrifié leur fierté et leur âme face à ma brutalité.

      • l’article consacré à Jacques Bonsergent est celui qui m’a procuré le plus d’émotions à écrire.
        Je comprends votre fierté et j’ai toujours une pensée pour lui lorsque je passe à la station de métro qui porte son nom.

        ps votre adresse email est erronée (?).

    • Vous faites erreur Madame cet homme que l’on voit pleurer, s’appelle effectivement Jacques Bonserjent mais la scène se déroule à Marseille le 20 Septembre 1940 lors de l’embarquement des drapeaux et étendards de l’armée Française vers l’Afrique du Nord. Je vous renvoies au documentaire « De Nuremberg à Nuremberg ».

  6. Cher monsieur,
    Puisque nous sommes le 23 décembre, je poste ce commentaire pour vous remercier de cet article qui rend hommage à Jacques Bonsergent, exécuté un 23 décembre 1940. Cette homme fait partie de ma famille. Charlotte Bonsergent, petite cousine de Jacques, est la mère de mon grand-père. Lequel d’ailleurs fut présent à l’inauguration de la plaque et de la Station de Métro au titre de représentant de la famille.
    « Personne ne prend ma vie, mais c’est moi qui la donne », aurait pu être sa devise.

    Ollivier Guillou

      • Je suis l’oncle d’Ollivier Guillou et Charlotte Bonsergent était ma grand-mère. Je revis à travers vos lignes les récits de mon père, qui, alors qu’il préparait Saint-Cyr en 1939, était accueilli à Paris chez son jeune oncle au 4 Bd Magenta… C’est avec émotion que je vous remercie pour cet article très beau. Le 14 septembre prochain, la pose d’une plaque commémorative aura officiellement lieu à Missiriac, son village natal du Morbihan. Merci du fond du cœur pour cette lecture.
        Philippe Orgebin.

  7. Se rappeler de cet homme, c’est aussi prendre enfin conscience que nous sommes de nouveau en dictature et sous domination étrangère.
    Les résistants de 2015 doivent prendre exemple sur ceux des années 40.
    L’union européenne est une véritable dictature , la France a été comme en 40 vendue à l’étranger (US entre autre) par les traitres qui composent son élite.
    Peuple de France, lève toi enfin ou bien couche toi définitivement et ne vient plus honorer ceux qui en leur temps firent exactement l’inverse de ce que tu fais aujourd’hui !!!!!!!!!

    • Bonjour,
      Par égard envers les peuples qui vivent dans des pays où la répression est impitoyable je pense qu’il faut se garder de galvauder le terme de dictature. Quant au peuple français j’espère qu’il saura faire face aux défis de notre époque avec détermination et intelligence comme bien souvent tout au long de l’histoire de notre beau pays.
      merci
      gérard

  8. A la fois émouvant et héroîque; je ne connaissais pas les détails de cete belle et tragique histoire.
    Mais pourquoi, sur la plaque cette place est-il écrit « Premier fusillé de Paris par l’occupant » ? Serait-ce discourtois d’écrire « …par les Allemands » ?

  9. Quel courage et abnégation ce jeune de cette periode dilatoire a eut de faire front devant ces fous de nazis .Qui aurait encore ce don de sacrifice et de fraternite a notre epoque …Faut il etre en guerre pour ne plus vivre en egoiste…va savoir et pensons a ce jeune brave Jacques Bonsergent !

  10. Quel courage et abnégation ce jeune de cette periode dilatoire a eut de faire front devant ces fous de nazis .Qui aurait encore ce don de sacrifice et de fraternite a notre epoque …Faut il etre en guerre pour ne plus vivre en egoiste…va savoir et pensons a ce jeune brave Jacques Bonsergent !

  11. Bonjour…
    Merci beaucoup pour votre article…
    J’y ai tout appris.
    J’habite la région d’Angers.
    A une époque, je stationnais souvent devant l’Ecole des Arts et Métiers où Jacques avait étudié…
    Il se trouve qu’en août dernier, en attendant la rame de métro à la Station Bonsergent, j’ai joué quelques notes de flûte…
    Comme ça, sans réfléchir, pour le plaisir.
    J’ignorais complètement l’histoire de cet homme et le symbolisme de la plaque.
    J’étais accompagné ce jour-là, sur le quai par deux amis Iraniens.
    Sara a pris une photo souvenir, pour ce petit air de musique.
    C’est elle qui m’a révélé, par la suite, depuis Téhéran,
    que Jacques Bonsergent avait habité Angers, comme moi.
    Coïncidence significative…
    Merci pour tout.
    Alain L

    • Grand merci pour ce témoignage très touchant. J’étais souvent passé à la station Bonsergent sans faire attention. Depuis le jour ou j’ai découvert son histoire émouvante je n’ai eu de cesse de la faire connaître.
      gérard

  12. Je suis l’epouse d’un gadzart paris1938/1941…un soir, ily a plus de 20 ans,
    Lors d’un diner  »entre amis » notre conversation tres animee avait pour sujet
    la derniere guerre, la resistance a paris, et ailleurs. Mon mari a demande a
    tous s’ils connaissaient la station  »jacques Bonsergent » et a precise
    qu’il etaitGadzart…et le premier fusillé de la guerre…je me souviens du
    long silence qui a suivi cette declaration. Mon mari etait le plus agé de notre
    petite assemblee, il avait ete  »resistant » aussi. Et grand patriote….silence.

    • L’histoire (malheureuse) de jacques Bonsergent est exemplaire. Elle devrait être connue par le plus grand nombre. C’est ce qui a motivé la rédaction de cet article auquel je tiens beaucoup.
      L’autre jour je me suis retrouvé à Saint Lazare devant la brasserie Mollard et toute cette tragédie m’est revenue en mémoire.

      gérard

  13. il y a longtemps ,lorsque je prenais le métro avec les copains, on y passait à cette station ,Jacques Bonsergent, j’ai voulu en savoir et un jour je suis descendu à cette station et j’ai vu le panneau de la rue , une personne me raconta l’histoire…………..
    le provincial que je suis
    sensible …………

  14. Merci, Monsieur, du fond du cœur, pour votre publication d’une grande finesse et vérité. Je suis Marie Guillou-Orgebin, petite-nièce de Jacques Bonsergent. Ma Grand-Mère paternelle, Charlotte Bonsergent épouse Orgebin était la sœur de cet Oncle dont nous sommes tous très fiers.
    Ollivier Guillou est mon fils aîné et Philippe Orgebin mon frère : ils vous ont tous deux déjà écrit un commentaire.
    Je me joins à eux pour vous exprimer combien je suis sensible à l’intérêt que vous avez porté à Jacques Bonsergent . Il est un modèle de foi, de fidélité à ses amis, d’héroïque courage jusqu’au don de sa vie. Merci encore.
    Marie.

  15. Pour les Ingénieurs des Arts et Métiers, on chante  » Fraternité c’est là notre devise »
    et on écrit obligatoirement Fraternité avec un « F » majuscule !!!
    Jacques BONSERGENT a su aller aux limites de la Fraternité !

  16. En faisant des recherches pour ma généalogie je viens d’apprendre que nous avons un ancêtre commun Jacques et moi. Il s’agit de Claude Hervieu né vers 1610 et décédé en 1673 à Fervaches (Manche) Claude Hervieu a eu 3 enfants: mon ancêtre Toussaint et Pierre celui de Jacques tous les deux nés à Fervaches.
    C’est le second résistant mort pour la France que je retrouve pendant mes recherches. Le deuxième est Victor JARRE, neveu de ma grand-mère paternelle, résistant arrêté et torturé par la Gestapo. Il est décédé le 24/03/1943 au camp de de HINZERT en Allemagne. Ne les oublions pas ainsi que tous ceux qui ont donné leur vie pour notre liberté

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